[Notes] Soit le sondage de @Jean_no – hypothèses

Soit le sondage de @Jean_no :

[Sondage] : pensez-vous qu’il existe un âge auquel la plupart des enfants cessent de dessiner, et si oui lequel et même, pourquoi ?

Hypothèses initiales :

@Jean_no Malheureusement oui en grande partie vers 6 ans quand ils commencent à savoir écrire et à aller au primaire.

@Jean_no Beaucoup dessinent au goûter à la maternelle très peu à l’«étude surveillée». Involution dans l’apprentissage. #constat #ecole

NB : ce qui nous intéresse ici c’est le fait qu’à l’âge tendre, tous les enfants, qui ont un crayon et une feuille sous la main, dessinent et qu’à partir d’un moment cet élan s’évanouit pour beaucoup.

Elargissons les hypothèses :

  1. L’apprentissage de l’écriture
    comme autre moyen de décrire le monde avec un crayon et du papier
  2. l’école primaire
    parce qu’un instit de CP qui dit « Le programme est très chargé et va falloir fournir beaucoup d’efforts » [sic] ça fait peur.
    Le dessin devient illustration de poésie «si vous avez le temps, sinon vous finirez à la maison [vous ne finirez pas en fait le plus souvent]»
  3. la fin de la mise à disposition des crayons de production
    Il est notable qu’en école maternelle les crayons et feuilles sont partout sur les tables. Les enfants se servent à loisir, partagent les couleurs, attendent, échangent. Le dessin est une activité collective et individuelle.
    Au primaire on devient responsable de son matériel. Un feutre de perdu c’est une couleur du monde qui disparaît. Les outils de dessin deviennent un capital à préserver.
  4. le désenchantement du monde
    Les jeunes enfants semblent donner un caractère magique à leur dessin. Cette magie ne vient pas seulement de leur propre regard sur le monde mais aussi de celui des autres, des adultes en particulier, sur leurs créations.

L’hypothèse 1 (apprentissage de l’écriture) ne saurait être pleinement convaincante. L’éducation humaniste éclairée (climax fin-XVIIIe / début XIXe) accordait une grande place au dessin et l’on ne s’étonnera pas que les littéraires d’alors (genre Goethe, Hugo…) étaient généralement aussi de talentueux dessinateurs.

L’hypothèse 3 (plus de matériel en profusion ni libre accès partagé) peut paraître anecdotique mais il y a sans doute quelque chose à creuser.

L’hypothèse 4 (le désenchantement) semble liée au 2 (l’entrée au primaire)
Si le XIXe est celui de l’avènement de la bourgeoise et de ses eaux froides du calcul égoïste il est aussi celui du roman et de l’Histoire. Et désormais on va à l’école pour apprendre à lire, écrire, compter, pas pour dessiner.
Le dessin perd sa noblesse, est réduit à illustrer ou est asservi à la technologie lorsqu’il doit représenter les machines.

De nos jours il y a bien un bref sursaut au collège, en partie grâce aux enseignants d’arts plastiques. Cependant, ça reste pour la plupart limité au cadre de l’horaire scolaire. Et puis le dessin créatif se retrouve en concurrence avec un autre, le dessin géométrique, du roi-mathématique.

En outre le dessin se mesure pas ou mal. L’évaluation en est délicate et rend sa place difficile dans une institution obsédée par la notation et qui semble bien malheureusement s’épanouir dans la production de courbes de Gauss. Pour un dessin, on ne peut en compter les fautes et on peut difficilement discuter de l’exactitude du résultat. Car au fond quand l’activité de dessin est réussie elle est souvent l’épanouissement d’une pensée divergente. Voir Ken Robinson, le retour.
Et l’on n’ose imaginer le malaise de certains profs devant apposer des notes sur les créations de leurs élèves [une bonne stratégie de contournement consistant à donner à peu près la même à tout le monde].

Symptomatique de ce rejet du dessin, la longue et difficile reconnaissance de la bande dessinnée et des dessins animés.

Pour finir un poème :

Wenn nicht mehr Zahlen und Figuren
Sind Schlüssel aller Kreaturen
Wenn die so singen, oder küssen,
Mehr als die Tiefgelehrten wissen,
Wenn sich die Welt ins freie Leben
Und in die Welt wird zurückbegeben,
Wenn dann sich wieder Licht und Schatten
Zu echter Klarheit wieder gatten,
Und man in Märchen und Gedichten
Erkennt die wahren Weltgeschichten,
Dann fliegt vor Einem geheimen Wort
Das ganze verkehrte Wesen fort.

Friedrich Novalis, 1800

 

Quand les nombres et les figures
Ne seront plus la clef de toute créature,
Quand, par les chansons et les baisers
Nous en saurons plus long que les savants,
Lorsque le monde reprendra sa liberté
Et reviendra au monde se donner,
Quand l’ombre et la lumière
Se marieront à nouveau dans la pure clarté,
Quand à travers les légendes et les poèmes
Nous connaîtrons la vraie histoire du monde,
Alors s’évanouira devant l’unique mot secret
Ce contresens que nous appelons réalité.

Traduction Gustave Thibon

Soir ensoleillé

http://zone47.com/dozo/v/soirensoleille.mp4 (40 Mo)

Une petite hutte

Le web nous offre de bienheureuses perspectives de vagabondage. Un vaste horizon, une grande liberté de déplacement et de nombreuses portes. Merveilleuse chimère qui nous rejoue l’âge des possibles du mésolithique.

Si les sites web sont des villages de nomades alors ces quelques pages ne sauraient être qu’une petite hutte.

Bref, je suis allé squatté ailleurs. Ou alors je suis sur le balcon en train regarder les étoiles ou quelque chose comme ça.

Quand on habite une grande ville d’Europe occidentale traversée par un fleuve bordé d’autoroutes, il y a peu de visions naturelles du monde partageables avec nos semblables, qu’ils soient passés ou ailleurs. Reste le ciel avec ses astres et ses météores.

Disque de Nebra
Disque de Nebra
Dbachmann. G.F.D.L. Wikimedia Commons

Cette nuit Jupiter et la Lune se sont donnés rendez-vous. Il y a du vent et des nuages épars… à travers lesquels la lumière se diffuse de temps à autre. Ce la donne à la scène une allure de parade amoureuse.

Mann und Frau den Mond betrachtend
Mann und Frau den Mond betrachtend
(trad. Homme et femme contemplant la lune)
Caspar David Friedrich. Wikimedia Commons